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lundi 30 juin 2025
Antananarivo | 14h08
 

Editorial

Les réflexions de Ragidro : Nous avons vécu 2009, pas eux …

lundi 30 juin | Lalatiana Pitchboule |  283 visites  | 7 commentaires 

Lettre ouverte à ceux qui pensent encore que leur universel est celui des autres.

Nous avons vécu 2009.

La brutalité et le cynisme de ce coup d’État ont brisé bien plus que l’ordre constitutionnel. Ils ont fracturé notre rapport au pays, à la citoyenneté. Ils ont construit notre révolte et notre détestation de ce pouvoir inique et, à nos yeux, désespérément incompétent…

Rupture de confiance si profonde qu’elle continue, seize ans plus tard, à modeler nos engagements, notre regard sur Madagascar et notre manière d’interpeller le monde.

On a gardé vivante cette mémoire. Par fidélité, par devoir, par colère, parfois par obstination. Elle nous a forgés. Elle a structuré notre lecture politique. Elle a nourri notre désir d’agir, notre sentiment de responsabilité. Elle a donné du sens à notre présence à distance.

Et parce qu’elle était fondatrice, nous avons fini par croire que cette mémoire était partageable, transmissible. Qu’elle était un socle. Une évidence. Le public de nos débats Diapason ou Zama nous a confirmé nos certitudes orgueilleuses. Il nous ressemble. Il est de notre génération. Il vit les mêmes colères et les mêmes frustrations que nous. Et les mêmes engagements.

Nous avons tenu. Nous avons transmis. Nous avons alerté. Et nous avons fini par croire que ce que nous portions relevait de l’universel.

Nous avons vécu 2009… Pas eux …

Mais voilà. Une autre génération arrive. Elle n’a pas vécu 2009. Elle ne sait pas ce que ça fait d’avoir vu le pouvoir changer de mains sans que le peuple ait pu dire non. Elle n’a pas non plus vécu comme d’autres (suivez mon regard) 1972, 1991, 2002 … Elle n’a pas vécu ces moments qui ont émotionnellement structuré notre vision politique et militante … D’autant que l’histoire officielle n’en a pas gravé la trace…

Elle arrive après. Elle est métissée, acculturée, polyglotte, plurielle. Elle vit ailleurs sans être étrangère, elle parle Madagascar sans le sacraliser. Elle croit aux projets plus qu’aux partis, aux réseaux plus qu’aux structures, au collectif choisi plus qu’à l’institution.

Les résultats de l’enquête IRD-TADY sur la Diaspora sont signifiants. Ils offrent un tableau sans appel : la majorité des jeunes Malgaches de la diaspora n’adhèrent ni aux cadres militants traditionnels, ni aux grandes causes politiques portées par les aînés. Ils s’intéressent au pays, oui. Mais autrement. Autrement profondément. Autrement sincèrement.

Et il est probable que les nouvelles générations urbaines au pays réagissent de même. La jeunesse du public, lors du grand concert de louange organisé le dimanche 23 Juin, qui n’était dans le stade pas tant pour le beau costume blanc de ANR déguisé en prédicateur, mais bien pour un moment de liesse collective m’avait tout autant interpellé : « On n’a pas le même référentiel… Ils ont d’autres besoins ».

Et cette jeunesse ne reprend pas nécessairement nos combats. Et c’est là que la fracture commence.

Le cloisonnement est là. Brutal, silencieux, gêné.

Nous, les aînés récents, nous parlons « engagement citoyen », « réveil politique », « changement par les urnes ». Eux parlent entrepreneuriat social, création artistique, écologie concrète, visibilité des marges. Nous pensons “changement structurel”, Eux pensent “impact mesurable”.

Nous parlons mobilisation, Ils entendent agitation. Et quand nous parlons transmission, Ils entendent injonction.

Mais le vrai problème, ce n’est pas qu’ils ne nous suivent pas. Le vrai problème, c’est que nous ne nous posons pas la question centrale : Et si ce que nous croyons universel ne l’était pas ?

Nous parlons d’un monde qui s’effondre ; ils habitent déjà l’après.

Pour nous, voter est encore un acte solennel. Pour eux, c’est un rituel opaque dans un système qu’ils ne reconnaissent pas. Pour nous, la République est malade. Pour eux, c’est peut-être un concept flou qui n’a jamais vraiment guéri. Et dont ils savent tirer avantage … Ou plaisir ( cf l’audience des grandes messes rajaolinesques)

Pour nous, la diaspora a un devoir. Pour eux, c’est un espace en mutation, fait de projets libres, d’identités mouvantes, de loyautés multiples.

Et alors que nous convoquons les grands mots — Démocratie, Nation, Citoyenneté —, eux nous répondent avec des gestes : créer une appli, une coopérative, un podcast, une œuvre, une marque, une mobilisation éclair.

Nous pondons des chroniques et des manifestes … Ils publient des Reels sur Insta.

Ils agissent, oui. Mais sur d’autres fréquences. J’ai en tête à ce sujet la difficulté de mes tentatives d’acculturation des jeunes sur le concept de résilience lors de Zama 2024.

Faut-il les faire revenir dans notre logiciel ? Ou faut-il changer d’outil ?

Le vote citoyen, la mobilisation collective, l’idée même d’un “projet commun” : tout cela a-t-il encore du sens si les fondamentaux ne sont plus partagés ou si la jeunesse ne reconnaît plus les formes de lutte, ni les mots d’ordre, ni les figures de référence ?

La réponse n’est pas dans l’uniformisation. Ni dans la nostalgie. Elle est dans la reconnaissance lucide de ce hiatus fondamental… Et dans un acte d’humilité radical qui doit nous voir accepter A) que notre monde ne soit plus le centre. B) que 2009 soit un événement historique — mais non plus un repère affectif. C) que le passage de témoin n’est pas un transfert d’héritage, mais une co-écriture du présent.

Les plus jeunes ne sont pas des recrues à notre service. Ils ne nous doivent rien. C’est à nous de faire le chemin, de comprendre leurs codes, d’apprendre leurs rythmes.

Une mobilisation transgénérationnelle n’est pas un monologue. C’est une polyphonie. Il ne s’agit pas d’intégrer les jeunes à nos projets, mais de construire avec eux des projets hybrides, qui parlent à tous, mais surtout à ceux qui viennent.

Il s’agit de partager des causes et non pas d’imposer des consignes. Les sujets du Climat, des Inégalités, de la Création, de la Souveraineté, de l’Éducation, de l’Autonomie … Ou d’autres peuvent être des ponts si on n’en impose pas les formes… Et si on en fait naître des envies communes.

Conclusion : un senior a toujours été le junior de quelqu’un.

Nous oublions trop souvent que nous avons été, nous aussi, les jeunes qui dérangeaient avec nos certitudes établies et nos a priori. Nous oublions que nos idées d’hier étaient perçues naïves, irréalistes, brouillonnes, sans vision globale…Nous oublions que nos engagements ont été moqués, ralentis, marginalisés avant d’être reconnus.

Alors que voulons-nous vraiment transmettre ? Des formules figées ? Ou la possibilité d’inventer encore ?

Le passage de témoin n’est pas un geste technique. C’est une remise en question de nos certitudes. Et si nous voulons vraiment « renverser le vote citoyen », il faudra d’abord nous décentrer, reconnaître ce qui s’est déplacé — dans les imaginaires, dans les désirs, dans les valeurs comme dans les colères et les révoltes —et bâtir une mobilisation qui ne part plus de ce que nous croyons savoir, mais de ce que nous acceptons de découvrir ensemble.

Un senior a toujours été le junior de quelqu’un. Il serait temps de nous en souvenir.

Patrick Rakotomalala (Lalatiana Pitchboule) -Juin 2025

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7 commentaires

Vos commentaires

  • 30 juin à 11:32 | lé kopé (#10607)

    Merci pour cette intervention , ô combien lucide et perspicace ...
    Je mentionnerai surtout le passage intergénérationnel , mais aussi la certitude des aînés que nous sommes , et qui doit nous projeter vers une autre vision , qui nous pousserait à partager les Doutes de la jeune génération .
    Mais j’aimerais surtout insister sur l’effort que chacun doit consentir , pour s’approprier notre Histoire .
    Car celui qui ne connaît pas son Histoire , est obligé de la répéter sans cesse .
    Cette Histoire d’avant La Colonisation , pendant , et après l’Indépendance devrait nous donner une Indication sur nos valeurs traditionnelles , et nous permettre d’aller de l’avant .
    J’ai récemment tenu une Conférence aux Antilles sur le Thème , « Madagascar , une Démocratie inachevée ».
    N’étant ni Historien , ni un Universitaire , j’ai amené ma part de briques en tant que citoyen responsable pour animer le débat . J’ai surtout misé sur le fait que j’ai traversé toutes les républiques depuis notre Indépendance , bien qu’à la première République , je n’étais encore qu’un gamin .
    Mes quelques incursions dans le domaine Anthropologique , m’ont permis de déceler la particularité de notre Culture , et comme les Pays Emergents , dont le Vietnam , La Corée du Sud et bien d’autres , nous devons nous en inspirer .
    Dernière indication, nous étions au niveau du Vietnam , de La Tunisie et de la Corée du Sud , avant les évènements de 1972 . Où sommes nous actuellement .
    Nous nous battons dans les intoxications alimentaires ...

    Répondre

  • 30 juin à 11:54 | Isandra (#7070)

    « Ils s’intéressent au pays, oui. Mais autrement. Autrement profondément. Autrement sincèrement. »

    Ils veulent tout simplement, une nouvelle façon de faire la politique avec nouveau paradigme, fini le nationalisme extrême,...car ces jeunes constatent que tous ces rotaka n’ont fait qu’empirer la situation de leur pays,...et à chaque fois, c’est pire qu’avant,...et l’ouverture est une chance qui s’offre dans cette mondialisation,...

    Répondre

    • 30 juin à 11:58 | Isandra (#7070) répond à Isandra

      Et les politiciens qui ont l’option laquelle répond à cette attente, auront de la chance de convaincre ces jeunes en quêtes de nouveauté,...!

    • 30 juin à 14:18 | bekily (#9403) répond à Isandra

      Plus de la moitié de la population a moins de 18 ans....

      Évidemment les fozas n’arrêtent pas de leur faire du solelakisme....
      Jeune par ci jeune par là, POUR MIEUX LES MANIPULER !!!

      Nouvelle politique dit Boloky.
      Nouveau paradigme dit le rezimanta ( LOL : boloky essaie de bluffer avec des termes qu’elle ne comprend même pas)

      Les JEUNES de moins de 20ans n’ont
       AUCUNE EXPERIENCE POLITIQUE
       AUCUNE MATURITE POLITIQUE

      ET VICIEUSEMENT VOUS VOUS LES GAVEZ DE FETE POUR
      LES ABRUTIR
      LES INSTRUMENTALISER
      La mafia CORROMP LES JEUNES à coût de fiesta ( HEDONISME) ...comme en Côte D’Ivoire avec OUATTARA l’autre francafricain.

      Le type d’exposé de boloky le prouve manifestement
      VOUS MEPRISEZ LE PEUPLE
      EN MANIPULANT SA JEUNESSE dont vous pulvérisez l’avenir...

      PAUVRETÉ +++
      AVEC CORRUPTION +++
      NO FUTURE POUR LE PAYS
      NO FUTURE POUR LES JEUNES !

    • 30 juin à 15:01 | bekily (#9403) répond à Isandra

      Plus de la moitié de la population a moins de 18 ans....

      Évidemment les fozas n’arrêtent pas de leur faire du solelakisme....
      Jeune par ci jeune par là, POUR MIEUX LES MANIPULER !!!

      Nouvelle politique dit Boloky.
      Nouveau paradigme dit le rezimanta ( LOL : boloky essaie de bluffer avec des termes qu’elle ne comprend même pas)

      Les JEUNES de moins de 20 ans n’ont
       AUCUNE EXPERIENCE POLITIQUE
       AUCUNE MATURITE POLITIQUE

      ET VICIEUSEMENT VOUS,
      VOUS LES GAVEZ DE FETE POUR
      LES ABRUTIR
      LES INSTRUMENTALISER
      La mafia CORROMP LES JEUNES À.COUP DE FIESTA ( HEDONISME) ...comme en Côte D’Ivoire avec OUATTARA l’autre francafricain.

      Le type d’exposé de boloky le prouve manifestement
      VOUS MEPRISEZ LE PEUPLE
      EN MANIPULANT SA JEUNESSE dont vous pulvérisez l’avenir...

      PAUVRETÉ +++
      AVEC CORRUPTION +++
      NO FUTURE POUR LE PAYS
      NO FUTURE POUR LES JEUNES !

  • 30 juin à 12:37 | Rabeanosy (#11701)

    Tsy niova ny fijerin’ny tanora fa nafenin’azy ireo ny tokony ho jereny.
    Raha nisy ny fanonganam-panjakana, izay no zava-nisy saingy nahitana endrika ny maha-malagasy ve ny novoizin’ireo nanao izany ?
    Halatra, lainga, fanodikodinana, famonoana, fanagadrana sy ny sisa : izay no endrika nasehon’ireo nanongam-panjakana.
    Ireo zava-nisy ireo no niankinan’ny fijerin’ireo tanora, inona no mahagana ny amin’izany ?
    Raha tiana hiverina ny maha-malagasy sy ny nentindrazana amam-panao ary ny soa toavina (jereo i Japana, RSA, Rosia, Sina, Vietnam, Malezia, Indonezia sns ...).
    Miverina amin’ny fomban-drazany sy ny soa-toavin’ireo razany avokoa ireo firenena ireo na dia eo aza ny antsoina hoe « moderna » miseho amin’ny fiainany.
    Anjaran’izay mihevitra ny hitondra an’i Madagasikara no mifantoka amin’izany : ny famerenana ireo soa toavina ara-olom-belona, ara-natiora sy voa-janahary, ara-piarahamonina fa tsy ny lingilingitra sy ny fisehosehoana tsy voafehy no mandany fotoana sy vola.
    Ny mifanohitra amin’izany dia tsy hitondra fandrosoana velively ho an’ity tanin’ny Razantsika ity.

    Mahantra mila-vonjy ny malagasy sy i Madagasikara.

    Répondre

  • 30 juin à 14:32 | Isandra (#7070)

    « La brutalité et le cynisme de ce coup d’État ont brisé bien plus que l’ordre constitutionnel. Ils ont fracturé notre rapport au pays, à la citoyenneté. »

    Ne réécrivez pas l’histoire, les vrais brutalité et le cynisme dans cette histoire sont la tuerie de 07 février. Si le locataire des Palais de cette époque n’avait pas l’intention de massacrer à la Mollah, il aurait pu l’éviter avec plusieurs manières,...mais, il n’a délibérément pas fait, a préféré donner l’ordre de tirer sur la foule sans arme à la main, mais, la bible, chantant des cantiques,...pour signifier leur pacification,...

    La suite, c’était ce qui fallait se passer, le soutien de l’armée et la démission, et le transfert extras, etc

    Et la dégradation de nos moeurs, et la descente aux enfers, c’est depuis l’après 72,...depuis laquelle, les jeunes n’obéissent plus leurs aînés,...au nom de la liberté,...

    Répondre

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