Facebook Twitter Google+ Les dernières actualités
lundi 15 décembre 2025
Antananarivo | 12h24
 

Société

Société

La refondation des mentalités pour éviter l’effondration

lundi 15 décembre | Ndimby A., Patrick A. |  609 visites  | 12 commentaires 

Les premières semaines qui ont suivi le renversement d’Andry Rajoelina ont connu de nombreux couacs, généré des critiques plus que justifiées, et plusieurs faits ont déclenché des interrogations légitimes, pour ne parler que de cet étrange voyage-éclair du chef de l’État à Dubaï. Toutefois, même si le principe du « manao zavatra tsy mora » sert souvent de paravent à la médiocrité, il faut admettre que le processus de refondation est complexe, et comme disent les Anglo-saxons, il faut « faire voler l’avion en même temps qu’on le construit », avec ce que cela suppose d’erreurs et de dérapages.

Il est toutefois nécessaire de souligner un point essentiel : si la refondation doit être ce que l’on prétend qu’elle va être, il sera nécessaire de remettre à plat des systèmes et processus afin d’éviter que les mêmes causes ne produisent ultérieurement les mêmes effets que les crises précédentes. Les prétendus changements du passé n’ont jamais eu l’effet escompté après l’enthousiasme initial : ni les changements de dirigeants, ni les changements de Constitution, ni les changements d’institutions n’ont suffi. Les « bravo, merci  » qui ont accueilli Albert Zafy en 1993, Didier Ratsiraka en 1997, Marc Ravalomanana en 2002 et Andry Rajoelina en 2009 n’ont pas résisté à l’épreuve du temps. Cela préfigure ce qui risque d’arriver au colonel Randrianirina.

Actuellement, on voit d’innombrables articles et publications de réseaux sociaux proposer des sujets de réflexion sur la refondation, voire émettre des solutions. Mais il faut se rendre à l’évidence : beaucoup de ce qui est en train d’être dit a déjà été exprimé auparavant. On citera pêle-mêle : la nécessité d’élections propres, la décentralisation, la mise en place d’une société plus équitable, le respect des libertés fondamentales, la révision de la Constitution pour qu’elle corresponde aux réalités malgaches, la lutte contre la corruption, le retour de la souveraineté nationale, le développement d’un secteur privé en mesure de créer les emplois nécessaires pour absorber la démographie, la protection des investisseurs, la mise en place d’une Justice indépendante et de structures véritablement indépendantes de l’Exécutif, la gestion durable des richesses naturelles, le redressement des secteurs de l’éducation et de la santé, etc.

Dans tout ce brouhaha, il y a un sujet qui est un peu délaissé alors qu’il est pilier fondamental : la correction des mentalités. L’expression peut rebuter certains qui pourraient voir dans le mot « correction » une dangereuse dérive dictatoriale. Pourtant, on sait que ce sont les mentalités qui influent sur le comportement des hommes, et c’est le comportement des hommes qui influe sur les institutions. Laisser la bride abattue aux comportements inacceptables sur les réseaux sociaux, sous prétexte que la liberté d’expression doit être absolue, est une bombe à retardement. S’attaquer aux gros poissons et laisser les intermédiaires impunis en est une autre. Rappelons la citation d’Albert Einstein : « La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent ». Comment espérer une refondation de la République si les mentalités sur lesquelles elles reposent restent les mêmes ?

Petits pourrissements et grande corruption

À ce stade, le lecteur est sans doute conduit à se dire que le problème se situe du côté des hauts dirigeants du pays, qui ne penseraient qu’à leurs intérêts personnels ou assumeraient mal les responsabilités qui leur sont dévolues. Tout au plus, les moins jeunes se souviendront d’avoir été invités ou amenés à méditer sur une phrase comme : « Ce n’est pas vraiment Tsiranana / Ramanantsoa / Ratsiraka / Zafy / Ratsirahonana / Ravalomanana / Rajaonarimampianina / Rajoelina (rayer les mentions inutiles en fonction de votre âge) qui est mauvais, c’est son entourage qui pose problème…  ». Des variantes également populaires de cette locution ont substitué au mot « entourage » le nom d’un ministre ou d’un conseiller ou bien encore le prénom de l’épouse d’un des précités.

L’on pourrait se dire que de tels propos n’étaient que la manifestation d’une coupable ou naïve indulgence envers les dirigeants. Mais leur répétition amène à avancer que le problème n’est peut-être pas dans la construction de ce type de phrase, mais dans le sens même du mot « entourage ».

L’amiral Didier Ratsiraka avait choqué l’opinion en déclarant « je suis le problème de ce pays » (en français dans le texte [1]), propos que la majorité de la population avait alors interprété au premier degré. De retour d’exil onze ans plus tard, il précisait : « Quand je dis aux Malgaches, le problème de ce pays c’est moi, ça sent le nombrilisme, mais c’est la réalité parce que je suis le seul à avoir été destitué deux fois du pouvoir et à être revenu deux fois au pouvoir. »

Lorsque nous nous disons « Ce n’est pas vraiment Untel qui est mauvais, c’est son entourage qui pose problème », s’agit-il là d’une complaisance naïve voire coupable envers le chef de l’État en exercice ou plutôt d’une complaisance envers nous-même ? L’ « entourage  » consiste-t-il en quelques dizaines — voire centaines — de personnes autour du Président, ou d’un milieu ambiant auquel il nous est impossible de nous soustraire ?

Bien sûr, la grande corruption doit être une préoccupation majeure. Mais qu’en est-il des petits pourrissements que nous constatons au quotidien ? Pour rompre avec le fatalisme, il n’est pas nécessaire de lever une armée, mais d’obtenir une masse critique de personnes déterminées à dire non au laisser-faire et décidées à exercer leur sens critique et leur capacité d’action ailleurs que sur Facebook. En particulier, pour tous ceux qui possèdent ne serait-ce qu’un peu d’éducation ou d’influence, il y a devoir d’exemplarité et de courage. Y compris le courage d’opposer des observations calmes et argumentées aux agissements discutables d’un chauffeur de taxi, d’un camarade de promotion, d’un parent ou d’un supérieur hiérarchique. Pas si évident dans une société où l’on a l’habitude d’éviter les confrontations ouvertes.

Il n’y aura pas de refondation sans sanction des travers inacceptables du passé, faute de quoi il faudra s’attendre aux travers du futur. Ce devoir de sanction s’applique à chaque individu. Sinon, la refondation espérée va rencontrer un effondrement des illusions, et produire une effondration qui va un jour ou l’autre donner une petite sœur à 1972, 1991, 2002, 2009, 2018 et 2025.

-----

Notes

[1Revue de l’Océan Indien n°225 – Février 2002, p.9

12 commentaires

Vos commentaires

  • 15 décembre à 10:58 | Dadabe (#9116)

    L’insignifiant indigne...

    Intéressante chronique (comme d’habitude !) de Ndimby A. et Patrick A. Je n’ai aucun commentaire particulier à faire ou, plutôt, je verrai cela un peu plus tard... Pour l’heure, l’actualité malagasy me semble très trouble et difficile à décrypter !
    Aussi, je réponds en passant à ’’j’hon doeuf’’ (#11888) des 14 et 15 décembre (20h50 et 1h48 !). Puisque dans sa folle et indigne obstination celui qui peut donc aller se faire cuire un oeuf se croit subtil d’insister, mettons les points sur les ’’i’’.
    Comme l’a bien écrit ’’Zora’’ que je salue amicalement (ainsi que ’’Elena’’), chacun sur ce forum est libre de son temps et responsable de ses écrits. Et puis il n’y a pas que le forum de MT.com (n’est-ce pas ’’Jipo’’ et ’’Bekily’’), la vie est ailleurs, non ? Passons...
    L’ennui, c’est qu’il n’y a aucun véritable superviseur pour rayer définitivement du forum ceux qui ont depuis longtemps dépassé les bornes de la bienséance. Cela dit, quoi qu’il en pense et quoi qu’il en dise, les ’’pseudos’’ que cite cet enfoiré de façon obsessionnelle existent bel et bien. Mais voilà, ils sont libres et comme moi (donc ’’Dadabe’’ et nul autre) ne se sentent pas obligés comme lui de parler pour ne rien dire ni d’écrire pour n’être pas lus...
    Mais cette liberté là est bien embêtante pour un déséquilibré mental qui, d’une certitude infondée à une autre, s’est construit sa ’’forteresse vide’’ et qui, je persiste à le penser, n’est pas du tout celui qu’il prétend être ou avoir été. Cela se devine, ne serait-ce que dans sa quête permanente de ces nouveaux pseudos qui ne parviennent pas à faire oublier l’ancien expatrié amateur de chocolat chaud (marque Banania, vous vous rappelez ?). Car ce ’’Dollop et Cie’’ aurait très bien pu garder le même pseudo depuis le début ! C’est une fable que de prétendre être régulièrement ’’rayé’’ de la liste par MT.com. Mais cela l’amuse car nous avons à faire à un grand pervers et c’est peu de le dire.
    Naturellement, libre à lui de vivre dans un monde fantasmé. Echapper à sa solitude et à sa petite vie bien étriquée, du genre légionnaire à la retraite vivant en dessous du seuil de pauvreté dans une HLM de la banlieue parisienne, peut se comprendre. Mais alors qu’il le fasse au PMU du coin et qu’il nous lâche les baskets ! Je veux dire, qu’il laisse ce forum retrouver une sorte de ’’convivialité’’ bien nécessaire et si souvent absente ces dernières années.
    Quoi qu’il en soit, derrière ce pseudo à ’’géométrie variable’’, se cache un monsieur malheureux mais mal éduqué. Un pauvre type insignifiant, une sorte de ’’looser’’ qui croit exister en vomissant sa bile sur ce forum. Il se trompe, bien sûr, et il le sait mais n’y peut plus rien. C’est une personne indigne mais malade. Et cela se termine toujours mal...

    PS - Un grand bonjour à ’’Zanadralambo’’ qui, à lui seul et de très loin, m’évite de mettre trop souvent mon grain de sel sur ce forum. Que nul ne s’y trompe : l’ami ’’Zanadralambo’’ ne parle pas que du passé, il espère surtout un avenir !

    Répondre

    • 15 décembre à 12:11 | elena (#3066) répond à Dadabe

      Bonjour amical en retour, Dadabe.

  • 15 décembre à 10:59 | Marco_Santino (#11253)

    L’effondration ?

    L’effondrement c’est déjà le cas non ?

    Répondre

  • 15 décembre à 11:01 | Isandra (#7070)

    Certains Malagasy pensent qu’il suffit chasser les dirigeants et mettre un mpiandry(??) à la tête de l’Etat, tout s’améliore automatiquement, sans changer de mentalité, ni de pratique, encore moins du système,...!

    C’est l’écosystème qui est déjà pourri, dont tous ces dirigeants cités ne sont que fruits. C’est comme on cherche l’eau de source pure avec le pot pour uriner déjà utilisé,...

    Répondre

    • 15 décembre à 13:26 | lé kopé (#10607) répond à Isandra

      Qui a pourri le sysrème ?
      Ce sont ceux que vous soutenez bec et ongles et qui ont pris la fuitte la queue entre les jambes à savoir :
       Votre Calife , le PM et Pierre ou peur Bleue , le général Bomba , Henriette la baveuse , Darafify d’Analamanga qui a dû maigrir , Naivo kely et consorts .
      Leurs fuites sont une preuve irréfutable de leurs responsabilités .
      Le Sieur Augustin fait des ronds de jambes auprès de la classe politique , comme Sarkozy qui serre les mains des policiers , mais cela ne l’empêchera pas de subir les conséquences de ses actes .

  • 15 décembre à 11:16 | rendre visible l’incision le (#11616)

    Aslm alkm
    Tout a été écrit et explicité. Effectivement la mentalité pose problème et devient même des boucs-émissaires des freins à tout changement voire toute évolution.
    Detrompons-nous car la mentalité est malléable et prend la forme dont on la façonne selon notre adage « izay miaraka amin’ny amboa-lambo dia amboa-lambo » ou « zarina amin’ny lalana tokony alehany ny zaza fa rehefa lehibe izy tsy hiala amin’izany » sans oublier « didy aman-dalana, ny DINA » pour redresser les mentalités.

    Répondre

  • 15 décembre à 11:39 | MALIBUC (#9345)

    Je ne savais pas que je manquais tant au trouducul de Gépété, le schizophrène pédophile !
    Je suis donc passé de l’oubli à célébrité.

    Répondre

  • 15 décembre à 11:42 | rendre visible l’incision le (#11616)

    Concernant la mentalité, on peut agir selon l’orientation qu’on veut : avant, pendant et même après. Pour réussir il faut coordonner les solutions ci-dessus pour les rendre complémentaire et efficace : l’éducation est valable pour tous(dès l’enfance à l’âge adulte), les motivations et les sanctions ont leurs rôles pour corriger sans oublier le milieu social où on évolue qui façonne en dernier lieu la mentalité.

    Répondre

  • 15 décembre à 11:52 | Inglewood (#6780)

    Dans le pays, tout le problème réside dans le capital humain. Il est bel et bien dans un niveau exécrable à cela s’ajoute l’instrumentalisation du Droit conjugué à un urbanisme galopant sauvage et je n’aborde pas les problèmes de l’armé et la laïcité de l’exercice du pouvoir.
    J’arrête ma mixture car le punch* est déjà bien corsé.
    * sans jeux de mot, sic ! en parcourant les textes de DIAPASON, je serai resté dans les mêmes statuts de la Côte d’Ivoire. L’ivoirien n’a pas le même niveau de capital humain que le malgache.
    La génération 72 a bel et bien été égoïste et la Gen Z a du mal à se retrouver.

    Répondre

    • 15 décembre à 13:37 | lé kopé (#10607) répond à Inglewood

      Le problème de notre société est d’oublier les leçons du passé , après l’euphorie durant les manifestations ;
      Pourquoi , après des luttes sanglantes , avec des centaines de morts dpuis 1972 , notre Pays retombe toujours dans les mêmes travers ?
      Il nous semble donc indispensable de créér une Institution pérenne , capable de veiller à l’application des bonnes résolutions issues de la concertation Nationale .
      Est ce si compliqué que cela ?
      La GEN Z et la Société civile devraient s’y atteler consciensieusement , avec les moyens nécessaires à son application .

  • 15 décembre à 12:00 | Basilaliéné (#7136)

    Dans le forum du 1er octobre « les manifestants accèdent à Ambohijatovo » j’écrivais en conseil à la GenZ :
    «  » La seule issue pour sortir le pays du pétrin et neutraliser les responsables politiques, militaires et administratifs corrompus est de le mettre sous tutelle des Nations Unies qui s’appuiera sur les nombreux fonctionnaires restés intègres.
    Le risque d’un coup d’état est à craindre «  »

    Répondre

  • 15 décembre à 13:26 | walesa (#5863)

    Bonjour,
    La refondation de la mentalité ne se fera pas au bout d’un laps de temps ! Pour ça, il faut revenir aux écoles - les petits et les grands pour y apprendre à nouveau les valeurs de base. Or, elles sont aussi victimes de ces décennies, qui ont littéralement ravagé la mentalité, la tradition, us et coutumes et le morale ! La tâche est extrêmement difficile et demande de la persévérance...Mais il ne faut pas se résilier, car telle sera l’avenir du pays, quel sera la formation de sa jeunesse !

    Répondre

Réagir à l'article

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, merci de vous connecter avec l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Publicité




Newsletter

[ Flux RSS ]

Suivez-nous

Madagascar-Tribune sur FACEBOOK  Madagascar-Tribune sur TWITTER  Madagascar-Tribune sur GOOGLE +  Madagascar-Tribune RSS 
 
{#URL_PAGE{archives}}